se sentir penser
J'essaye de toutes mes forces de ne pas mettre les gens dans des catégories comme on range les caleçons et les chaussettes de monsieur avec amour et détermination à ne rien mélanger.
Mais j'adore théoriser sur les gens et élaborer des concepts trop flous.
Les clichés rassurent, ils permettent à notre pensée vieillissante, de civilisation qui décline, de s'accrocher aux dernières lueurs d'un chateau en ruines. en rangeant les gens, il semble à nos esprits qu'ils rangent leurs pensées comme autant de pensées poussiéreuses qui attendent leur dernière heure.
Mais les clichés ne permettent pas à notre pensée de se régénérer, ils figent, ils glacent, ils calfeutrent de peur de nouveauté l'esprit trop vagabond.
A l'heure où l'on célèbre la bohème, son bourgeois, sa poésie, sa première dame de France posant l'an dernier pieds nus pour montrer à quel point elle se sent libre, on pointe comme une curiosité exotique et truculente, la moindre divergence.
On passe à la télé, parce qu'on est catho, parce qu'on est une famille nombreuse, parce qu'on est maman à 12 ans, parce qu'on part vivre au fin fond du Larzac. Tout sur le même plan celui de la bizarrerie, celle de ne pas avoir une famille avec un petit garçon et une petite fille et d'avoir deux parents qui travaillent, dans un appartement moderne et tout blanc.
J'aime la télé, pour le beau, le drole, le bête, le politique. Mais je n'aime pas l'idée qu'à tout moment mon choix peut faire partie de ces choses que l'on pointe du doigt. J'aime les reportages sur l'armée, j'ai horreur des reportages sur les familles nombreuses. J'aime parler de mon choix mais je n'aime pas qu'on parle de moi en disant "celle qui a sept enfants".
J'ai un nom à moi.
Que se passe-t-il si on laisse nos clichés de coté?
On regarde l'autre tel qu'il est. Une source d'enrichissement et d'émerveillement. C'est tellement reposant, de laisser notre esprit vagabonder, sur un schéma qui n'est plus le notre, le voir partir vers des pensées qui ne sont pas les notres, comme des paysages qu'on n'avait jamais songé à contempler.
Et on se surprend à aimer l'autre pour ce qu'il EST.